Laurence Helaili-Chapuis, conseillère à l’Assemblée des Français de l’Etranger (Europe du Nord) et candidate aux élections législatives:” La politique doit être réinventée.”

Laurence Helaili-Chapuis est conseillère à l’Assemblée des Français de l’Etranger (Europe du Nord- membre du groupe IDP Indépendants et majorité présidentielle),élue depuis 2014 et présidente du conseil consulaire. Après des études de droit passées en France, elle se met à travailler dans le domaine des assurances avant de se porter volontaire pour perdre son emploi pendant la crise sanitaire, avant d’enchaîner sur un congé parental. Après avoir habité à Londres, c’est aujourd’hui en Irlande qu’elle réside depuis maintenant 13 ans. Elle y est élue conseillère consulaire des français de l’étranger en 2014 après plusieurs années passées dans le milieu associatif, comme UFE Londres, puis réélue en 2021 avec 60 % des voix exprimées, soit la deuxième meilleure participation au monde en tant que conseillère des Français de l’étranger. Elle conduit ensuite la liste en Europe du Nord pour l’assemblée des français de l’étranger. Elle est candidate cette année aux élections législatives.
Conseillère à l’AFE, Présidente du Conseil Consulaire, membre du groupe IDP… vous endossez plusieurs rôles au sein de la circonscription qui incombent beaucoup de responsabilités. A quoi ressemble votre journée type?
Malheureusement, les journées ne durent que 24 heures et je n’ai pas vraiment de routine. Je m’occupe à temps plein des Français de ma circonscription depuis la crise Covid. La première chose que je fais dans ma journée c’est de consulter l’actualité, puis d’être en “réunion” avec les Français, que j’ai au téléphone pour répondre à des questions diverses. Ils ont surtout des problèmes en ce qui concerne la délivrance des passeports qui reste un sujet prédominant. Je les écoute, je les conseille, je fais remonter les cas les plus graves. J’ai par conséquent des entretiens réguliers avec l’administration, des avocats ou des fiscalistes. J’interviens également souvent dans les médias, pour des conférences.. Après j’ai souvent des réunions de groupe, de commission ou d’autres conseillers des français de l’étranger. Récemment par exemple, on s’est rendu compte que les consulats peinent à délivrer des rendez-vous pour les passeports et visas, ce qui est un gros problème pour les couples binationaux. L’un de nous a déposé une question écrite à ce sujet à l’AFE.
Sur votre site, vous vous engagez notamment à être ” disponible, […] agir librement […] sans esprit partisan”. Qu’entendez vous par là? Peut-on faire de la politique sans être partisan?
Oui. C’est la raison pour laquelle je suis indépendante. J’ai beaucoup d’expérience politique et j’ai été candidate à plusieurs élections ces 13 dernières années. Je me suis rendue compte que la politique est un domaine violent et perfectible sur de nombreux aspects et qu’on travaille tous mieux dans l’intérêt général. Si je ne peux pas changer le système politique, je peux au moins choisir de ne pas y participer. Je suis la seule candidate qui a eu des mandats locaux et je pense être la preuve incarnée qu’on peut faire de la politique sans suivre un parti en particulier. D’ailleurs aujourd’hui, les indépendants sont la force politique la plus représentée en Europe du Nord. Oui, on peut faire de la politique sans être partisan et en essayant de tendre la main à tout le monde. D’ailleurs ce sont les fondamentaux de la République en Marche. Quand le mouvement a été créé au départ, c’était pour réussir à rassembler les gens au-delà des étiquettes en une force active qui devait travailler pour l’intérêt général. Mes idées sont plus proches du centre, et la majorité présidentielle est le groupe que je rejoindrais si je suis élue, car je me reconnais dans cette volonté de rassemblement prônée par Emmanuel Macron. C’est d’ailleurs en grande partie ce qui explique l’engouement de 2017. On constate qu’en 2022 il y en a eu un peu moins. Ce n’est pas parce qu’on est devenu moins européen ou moins intéressé à la politique, mais parce qu’il faut revenir à ces fondamentaux, créer une majorité présidentielle qui soit faite de beaucoup de sensibilité, de gens qui travaillent sur le terrain et soient prêt à œuvrer tous ensemble sans clivage politique et dans l’intérêt général.
Toujours sur votre site, on remarque que vous œuvrez pour des causes diverses et variées: la jeunesse, la mobilité, l’emploi, l’environnement… Quelles seront vos priorités en 2022 d’un point de vue local et national si vous êtes élue?
Je trouve qu’il est difficile de déterminer des priorités à l’avance. Comme on peut le constater chaque jour, l’actualité bouleverse les plans préalablement établis. On vient d’élire un nouveau président, la priorité aujourd’hui, pour l’intérêt général, c’est de réussir à le faire réussir. Il faut lui permettre d’établir une République qui lui permette d’aller dans le bon sens, et surtout prendre en compte les considérations de terrain. Cela n’a pas été le cas dans les cinq précédentes années, et pour cause: il n’y avait pas beaucoup d’élus qui avaient un ancrage local. D’un point de vue local, il faut préserver au sein de la circonscription la liberté de circulation et d’établissement du citoyen. La complexité administrative est aujourd’hui telle qu’elle est devenue un facteur d’insécurité. Il faut accompagner les gens, les informer et lutter contre toute sorte de discrimination fiscale pour les Français qui habitent en Europe diu Nord. Il faut créer des conventions bilatérales et réfléchir à un accès de service public de proximité, donc je suis pour l’accès dématérialisé pour le renouvellement d’un passeport. L’urgence, elle est aussi dans l’expansion de l’enseignement français en Europe du Nord; Il faudrait créer une boîte à idées pour aider la France à développer ses réseaux d’excellence. Il y a aussi la question de la sécurité des ressortissants et des entreprises françaises car il faut mettre en place une activation active et fiable. J’ai créé il y deux ans environ un système d’alerte sur WhatsApp, pour pouvoir informer les français au plus vite des changements de changements de législation, des informations sur la météo. La circonscription est et restera ma priorité. Il est très important d’entretenir un lien fort avec la circonscription. Cela demande d’avoir de l’expérience, une connaissance des enjeux, et … de la motivation!
Du côté national, la question du pouvoir d’achat est bien sûr prioritaire en France et chose exceptionnelle, elle va aussi le devenir à l’étranger suite aux crises successives. On a du travail dans le domaine de l’éducation, mais aussi pour la question des mères isolées. J’ai créé la première communauté de mères célibataires il y a plusieurs années. C’est une situation familiale qui me touche et va se développer de plus en plus avec l’accueil des réfugiés ukrainiens: les femmes et enfants sont prioritaires, beaucoup de pères et de maris restent en Ukraine. Un autre sujet pour lequel je me suis toujours battue, toujours au niveau des femmes, c’est la question des violences conjugales. Je pense qu’il y a un énorme effort à faire là-dessus et des accords à signer entre différents pays car c’est parfois dur de se faire entendre et comprendre dans un pays d’accueil quand on est dans une situation aussi difficile. Le fait qu’aujourd’hui un homme violent puisse être considéré comme un bon parent, c’est aussi un point sur lequel il faut progresser. L’homme peut récupérer la garde des enfants, ce qui rend la séparation du couple encore plus compliquée et culpabilisante.
Justement concernant le sujet des violences faites aux femmes, est-ce un point qui selon vous a été dénigré pendant le mandat d’Emmanuel Macron?
Non, je pense que c’est un sujet qu’il a pris au sérieux. J’ai participé à la conférence inversée menée par Marlène Schiappa en tant que responsable de la communauté des mères célibataires que j’ai créé, et j’ai participé au grand débat sur ce thème sur LCP Public Sénat. Cependant, je pense que le président a besoin d’une majorité plus large et surtout de gens qui sont sur le terrain. Sinon, le gouvernement ne peut pas se confronter aux réalités. C’est aussi une question d’humilité selon moi de prendre la peine d’œuvrer sur le terrain avant de prétendre représenter les citoyens. Cet échange de compétences lié à la proximité, il est à revaloriser. Il y a un travail à réaliser en lien avec les associations également et plus largement avec la société civile dans son ensemble.
NUPES, une alliance historique s’est récemment créée entre EELV et LFI. Quel regard portez vous sur cette nouvelle entente?
J’ai toujours eu une bonne entente avec les écologistes et les socialistes. Personnellement, j’ai beaucoup de réserves concernant l’alliance avec l’extrême gauche. Je suis surtout inquiète concernant les positions européennes et sur l’OTAN. Je pense que les gens ne se rendent pas compte. Beaucoup de personnes autour de moi ont voté LFI et je pense que c’est parce que les citoyens ont globalement un désintérêt pour la politique qu’ils ne lisent plus les programmes jusqu’au bout.
Les chiffres de l’abstention sont frappants; comment faire pour que les Français se réintéressent à la politique et se remettent à voter ?
Il faut que la politique soit réinventée, qu’elle soit plus inclusive, plus jeune, plus dynamique, plus impliquée. Je pense que les gens, quand ils croient en quelqu’un et qu’ils ont confiance, ils votent. C’est ce qu’il s’est passé dans ma circonscription où nous avons eu la deuxième meilleure participation au monde en terme de votants. C’est aussi une question d’humilité selon moi de prendre la peine d’oeuvrer sur le terrain avant de prétendre représenter les citoyens. Moi-même avant d’être conseillère consulaire, j’ai œuvré pendant des années dans le milieu associatif. De plus, quand les citoyens ne se sentent pas défendu dans leurs droits, qu’ ils ont l’impression que la politique est une cour de récréation, quand l’élu ou le candidat n’a pas le temps de communiquer avec eux ou juste en période électorale, cela contribue au rabougrissement du vote. La personnalité de l’élu participe beaucoup à ce pouvoir de conviction. Cinq ans c’est très court et très long à la fois alors c’est important de régulièrement montrer les résultats de notre travail aux français. Si on travaille de manière sincère, ça se remarque et les gens sont reconnaissants et confiants.
Vous prônez une politique particulièrement indissociable avec le “terrain”, en corrélation avec les problèmes du monde réel, du dialogue avec les Français qui doit primer. Cependant on a beaucoup critiqué Emmanuel Macron sur son côté “Jupitérien”, son refus de participer aux débats avant le second tour…
Refuser le débat, c’est pour moi un moyen de ne pas banaliser l’extrême droite. Je peux comprendre la position d’Emmanuel Macron concernant ce choix, dans un contexte de crise et de guerre qui plus est: jusqu’à très récemment, aucun personnage politique ou public ne débattait avec la famille Le Pen, cela faisait parti du consensus. Pour ce qui est de son côté jupitérien, le Président l’a reconnu. Il a dit que son second mandat ne serait pas une prolongation de son premier. Il appelle à plus de sensibilité politique, à rejoindre la majorité et faire avancer la France. Après, attention: je ne suis pas partisane de LREM. Je ne prône ni allégeance docile ni opposition stérile. Ce qui est intéressant c’est qu’aujourd’hui il est débarrassé des tentations électoralistes puisqu’il ne peut pas se représenter. On va plus voir la politique qu’il va mener que celle qu’il doit mener. Je pense qu’il y aura aussi un reformatage avec des députés qui seront à même d’informer le gouvernement lorsqu’il est sur le point de s’engager sur une piste dangereuse. Par exemple, je trouve ça incompréhensible que le mouvement des gilets jaune n’ait pas été anticipé. Certes, il aurait pu mieux faire sur beaucoup de sujets. Mais je l’attribue plus à un problème local. Il manque une dimension à ma fonction, c’est de pouvoir alerter le gouvernement sur certaines choses. On peut toujours refaire le match, mais cela prouve l’importance d’avoir des parlementaires qui sont au fait de ce qui se passe dans la société civile et assez d’empathie pour défendre les électeurs.
Je veux être députée, ce n’est pas par ambition personnelle, mais pour pouvoir exercer mon métier dans de meilleures conditions. Je pense que les élus locaux ne disposent pas assez de leviers pour faire entendre à Paris la voix des territoires qu’ils représentent. La loi est débattue mais il faut des gens qui soient capable de pouvoir représenter pas seulement des idées mais des convictions forgées par des réalités. Les idées c’est très bien, mais ce qui est important c’est d’avoir des idées éprouvées par la réalité.