La presse anglaise serait-elle raciste ?

L’interview donné par Harry et Meghan a réveillé un vieux débat au Royaume-Uni : est-ce que la presse anglaise est raciste ?
Pour rappel, la semaine dernière, Meghan Markle et le Prince Harry ont été interviewé par Oprah Winfrey et ont abordé différents sujets comme leur départ, leurs enfants et le traitement médiatique dont Meghan a été victime lors de ses trois ans à Londres. Vous pouvez d’ailleurs retrouver notre article retraçant l’interview ici. Alors, la presse anglaise est-elle victime ou aggresseur ? Retraçons ensemble les évènements qui nous ont mené jusqu’à ce moment.
On ne peut pas nier que la presse n’a effectivement jamais été tendre avec Meghan Markle et son parcours ont souvent été mis en avant dans les tabloïds. Son statut de divorcée et sa nationalité américaine ont fait couler beaucoup d’encre au Royaume-Uni mais c’est sa couleur de peau et ses origines qui ont été la cible des journaux anglais. En 2016, le titre du Mail Online était “[Meghan] “almost” straight outta Compton”, un quartier afro-américain de Los Angeles connu pour sa violence et ses guerres de gang. Rappelons que Meghan n’a aucun lien avec Compton et n’a elle-même, jamais évoqué ce nom. La seule relation visible est le fait que Meghan fait partie de la communauté noire américaine. Quelques jours après, the Daily Star a publié son propre article sur Harry avec le titre “marry into gangster royalty”. Meghan Markle, gangster ? Really ? *sips tea*. Un des commentaires les plus marquant (et choquant !) a été celui de Danny Baker, comparant Archie à un chimpanzé.
Meghan et Harry ont attaqué en justice plusieurs magazines en réponse à la “campagne impitoyable” menée par les journalistes anglais. Harry s’est d’ailleurs ouvertement plaint du manque de soutien de sa famille. En 2017, la Princesse Michael of Kent arborait une broche raciste à un déjeuner avec Meghan. Bien évidemment, impossible de savoir si c’était un geste intentionnel ou une maladresse extrêmement douteuse mais le public n’a pas apprécié ce manque de tact, inexcusable que Meghan soit là ou pas. Le communiqué de presse de la Princesse du Kent issu des excuses officielles mais souligne tout de même que la broche a été portée “beaucoup de fois auparavant, sans controverse“. D’accord, merci de la précision …
L’interview de la semaine dernière a été l’occasion pour Meghan et Harry de s’exprimer sur ce qu’ils ont vécu et certaines phrases sont assez dures à entendre. Meghan parle notamment de son combat contre la dépression et les idées suicidaires, sujet qu’elle avait abordé lors d’un précédent interview où elle s’était effondrée en pleurs. Elle évoque également son fils Archie et les inquiétudes quant à son arrivée : un membre de la famille royale aurait exprimé des craintes concernant la couleur de peau du bébé, de peur qu’elle soit “trop foncée à sa naissance“.
Ce n’est pas simplement Meghan et Harry qui trouvent la presse aggressive : 72 femmes, membres du parlement britannique ont écrit une lettre à la Duchesse exprimant leur soutien et solidarité face à ces commentaires “obsolètes, avec des sous entendus coloniaux”.
L’interview passe mal auprès de la presse anglaise et dès le lendemain, les réponses se profilent. Le Daily Express a choisit un titre parlant pour sa headline “Meghan accuses Palace of racism” ce qui est des plus intéressant. D’abord, Meghan n’accuse pas directement la famille royale d’être raciste mais elle évoque des faits qui pourraient avoir des racines racistes, elle se garde même bien de donner l’identité des auteurs de ces commentaires. De plus, il est important de noter que la une est, encore une fois, contre Meghan et non Harry. Jamais, ô grand jamais, la presse anglaise attaquerait un membre direct de la famille royale ! La Society of Editors, composée de 400 journalistes, s’est très vite exprimée par le biais de son directeur exécutif Ian Murray qui a décrit l’interview comme étant une attaque contre la presse anglaise. “C’est inacceptable pour le Duc et la Duchesse de faire de tels hypotheses sans preuve” car selon lui, le support et couvrage était universel lors du mariage du Duc et de la Duchesse et est une preuve de la bienveillance des médias pour Meghan. Again, really ? The Guardian a également balayé les accusations d’un revers de la main, publiant sur Twitter leur “désaccord” avec le discours du couple royal.
Mais, bonne nouvelle, la conversation est désormais ouverte ! De nombreux journalistes se détachent de la direction suivie par la Society of Editors et publient des preuves justifiant les propos de Meghan et ça fait réfléchir. Les journalistes se sont amusés à comparer les articles concernant Kate Middleton et Meghan Markle et le résultat est frappant : le traitement médiatique de Meghan est injuste et injustifié.
- Pour en voir plus, https://www.buzzfeednews.com/article/ellievhall/meghan-markle-kate-middleton-double-standards-royal
Si vous pensiez que l’histoire se termine là, vous allez être déçu. Tout le monde veut exprimer son avis, à l’image de Piers Morgan, grand “fan” de Meghan Markle. Nous avions rapidement évoqué ses différentes crises contre la Duchesse dans cet article, il était presque certain que dans ce climat, il allait faire parler de lui. Lors de son émission matinale Good Morning Britain, il a qualifié les propos de Meghan sur le suicide de mensonges, l’appelant même “Pinocchio Princess“. Plus de 41 000 plaintes ont été reportées contre Piers, ce qui a forcé un enquête qui a aboutit au licenciement de Piers Morgan de l’émission d’ITV.
A la suite de tout ça, un hashtag a émergé sur Twitter : #abolishthemonarchy, symbole d’un mouvement fatigué d’entretenir une famille royale qui sert à … pas grand chose. Ce n’est pas la première fois que ce type d’initiative est prise, un mouvement similaire a été lancé après les accusations de pédophilie contre le Prince Andrew, sans conséquences. Est-ce que, cette fois-ci, le mouvement va prendre ? A voir. Les magazines anglais sont très confiant et soutiennent fortement la monarchie. Cependant, certains sondages sur Twitter montrent que les particuliers ne sont pas du même avis : sur plus de 2 000 individus britanniques, 45% n’ont pas ou peu de sympathie pour la famille royale au vue de la situation avec le couple (*).
Alors, après tous ces éléments, la presse anglaise a-t-elle fait preuve de racisme envers Meghan ? La saga a l’air loin d’être terminée.