Des touristes quittent Windsor. Les plus curieux se dirigent vers Eton, une bourgade située juste à la sortie du pont. Réputée pour ses bars branchés aux noms princiers, les visiteurs se désaltèrent au “The George” ou regardent un match de football au pub “The Henri VI”, des noms symboliques, qui présagent de l’aura royale du lieu. Londres Magazine propose une plongée au coeur d’un établissement hors normes : Eton College, l’école des grands de ce monde.
Durant les jours de grandes rencontres sportives, il est fort possible de croiser un supporter brandissant fièrement son écharpe ou son maillot de club. Le bar se transforme alors en stade: bonnets, jean, baskets. Bière en main, les plus fêtards entonnent en choeur des chants pour soutenir leur équipe préférée. Dehors, des écoliers peuvent être croisés comme ce jeune garçon habillé en gentilhomme. Il porte une veste queue-de-pie avec une chemise et des chaussures chics. Un grand écart vestimentaire qui s’explique par la prestigieuse identité de son “bahut”.
L’adolescent sera peut-être le futur premier ministre du Royaume-Uni. Démarche assurée, prestance de monarque, ce “gamin” pourrait un jour conquérir un parti politique. Outre un enseignement sûrement exigeant, Eton College semble offrir un état d’esprit et une attitude à ses élèves. En chiffre, 20 premiers ministres, dont l’actuel en place Boris Johnson, ont étudié là-bas. Pour continuer, romanciers, acteurs et aristocrates ont fréquenté les couloirs de cette infrastructure du XV ème siècle. Comment se fait-il qu’autant de personnalités émergent de cette très ancienne école?
Un concept derrière une institution
Eton College est une structure privée qui assure uniquement la scolarité de jeunes garçons âgés entre 13 et 18 ans. Cette fondation a été mise en place par le roi Henri VI, en 1440. Les frais de scolarité pour une année s’élève à 47 230 euros. C’est pourquoi, tout porte à croire que cette pension est réservée à une certaine caste. En approfondissant l’analyse, ce “lycée” s’avère accessible à tous, mieux encore, il envisagerait de favoriser la méritocratie. Effectivement, l’endroit pousserait les moins avantagés financièrement vers le haut de l’échelle. C’est ici la clé du succès de ce somptueux bâtiment, voici comment :
En plus de chiffres et de lettres, un véritable état d’esprit est transmis à cette jeunesse. En effet, selon Tony Little, ancien directeur, le fait de réaliser des erreurs et d’apprendre d’elles est un point très important. C’est en quelque sorte, un principe qui aidera l’étudiant tout au long de son cursus. La devise de l’école est celui-ci: “permets l’erreur afin qu’ils apprennent d’elle”.
Pour être plus clair, le garçon issu d’un milieu modeste aurait tendance à prendre une erreur comme une indication sur son réel niveau et donc se dévaluer. Tandis que son camarade, plus avantagé par ses parents, continuerait sans dramatiser ou se complexer. L’ex “head-master” affirme que ce dernier tempérament, beaucoup plus positif, peut s’inculquer. L’idée serait alors de favoriser l’apprentissage entre les étudiants dans le but d’apprendre des uns les autres.
C’est ici toute la spécificité de cet édifice vieux de 600 ans. Il n’y a pas de cours théorique sur “la confiance en soi”, en revanche, cette idée semble être omniprésente dans l’atmosphère des classes. Les auteurs Adam Nicolson et Eric Anderson apportent leurs connaissances et leurs experiences dans un livre paru en 2010 intitulé About Eton. Le premier est le fruit d’Eton College, élève entre 1970 et 1975, A. Nicholson a reçu plusieurs récompenses britanniques grâce à ses oeuvres littéraires comme le Somerset Maugham ou le William Heinemann Prize. Eric Anderson, quant à lui, est l’ancien directeur de plusieurs établissements scolaires dont Eton College entre 1980 et 1994. Dans un des chapitres, les écrivains relatent la discussion d’un professeur et d’un enfant sur son avenir: “Tu pourrais aller à Oxford si tu décidais d’y aller”. Une phrase placée dans l’esprit du jeune, un jour au sein de l’établissement. Finalement, Eton College donne à chacun une assurance en lui, empêchant toute honte ou découragement dans ses projets futurs. Cela expliquerait la réussite flamboyante de tous ces anciens “Etonians boys”.
Un extra-scolaire vraiment extra
L’extra-scolaire est un élément important dans la vie du jeune résident. En effet, 3 après-midis par semaine sont consacrés au sport, le théâtre ou la musique.
Pour Eton, la vie serait une compétition et cela doit s’enseigner également. C’est pourquoi, il existe par le “House Singing” ou “le House Drama competition”. Des écoliers d’Eton College qui se mesurent aux plus talentueux élèves de l’extérieur. Le niveau étant exigeant, les chances de victoires deviennent rares et la défaite plus courante. Ces contacts avec l’échec habituent l’élève à y faire face. Et surtout à la gérer. Cet exercice pousse plus tard l’intéressé à savoir prendre des risques sans crainte d’échouer. Par la suite, les anciens pensionnaires auront un attrait plus prononcé pour des secteurs comme l’entrepreunariat.
Le Premier ministre Boris Johnson a réalisé sa scolarité dans ces conditions. Dans une nouvelle biographie de l’homme d’Etat nommée : Just Boris The Irresistible Rise of a Political Celebrity. L’auteur et journaliste Sonia Purnell met en avant une phrase éloquente de l’ancien maire de Londres sur le fameux lieu : “Ils nous disaient que nous serions les prochains dirigeants”. Cette pensée transmise produit ainsi l’élite. Quitte à employer l’expression “culture du succès”. Les acteurs Hugh Laurie et Damian Lewis étaient présents il y a quelques années . Mais aussi George Orwell l’auteur du roman 1984 ainsi que le fondateur d’Amnesty International Peter Benenson. L’éducation “made in Eton” porte définitivement ses fruits.

©Photographic archives Eton College
Au dela de ses qualités “managériales”, cet édifice intellectuel a un atout indéniable qui est sa proximité avec la monarchie.
Les petits-fils de la Reine à Eton
L’école possède des liens directs avec la royauté grâce à son fondateur Henri VI mais aussi sa distance géographique avec le Château de Windsor ( environ 15 minutes à pieds). Les Princes William, Duke of Cambridge et Harry, Duke of Sussex, sont d’anciens locataires. Ces derniers ont effectué leur scolarité dans la plus grande simplicité. Le célèbre endroit accordait une grande importance au fait que ces illustres membres soient considérés comme “normaux”. De plus, l’institution était habituée aux élèves aristocrates puisque 15 “Old Etonians” proviennent de la famille royale. Prince Harry y était présent entre 1998 et 2003. Durant cette période, le jeune étudiant avait un véritable attrait pour le sport. Il a été le “House Captain of Game” dans son école et représentait les équipes de cricket, rugby et polo.
D’ailleurs, des photographies le montrent durant ses activités sportives au sein d’un musée. The Museum of Eton Life met en scène la vie de tous les formés . Voici une représentation de la chambre des garçons :

©Photographic archives Eton College
Une simple chambre d’ado avec le nécessaire pour s’épanouir et travailler sérieusement. Notons, la présence d’objets personnels comme ce nounours en haut de la commode. Ainsi, Eton College semble transformer des enfants en adultes déterminés psychologiquement et sûrs d’eux-mêmes. Bac“Art and Geography” en poche, le jeune Harry prend le temps de voyager dans le monde avant de s’engager dans l’armée pendant 10 ans. Son ainé, le Prince William a été présent à Eton College entre 1995 et 2000. Après son “baccalaureat”, le second héritier du trône fait un “gap” pour prendre le temps de voyager et s’enrichir professionellement. Plus tard, il intègre l’université de St Andrew en Ecosse. C’est durant cette vie étudiante qu’il rencontre sa femme Kate Middleton, Duchesse de Cambridge.
Aujourd’hui, rien ne laisse présumer que les garçons respectifs de William et Harry suivront les traces de leurs pères. Désireux d’offrir une enfance normale à George de Cambridge, le premier fils du Prince William pourrait suivre un enseignement dans une autre école. Le couple opterait pour l’ancien établissement de Kate Middleton : Marlborough College dans le Wiltshire. Harry et Meghan, parents du petit Archie Mountbatten-Windsor, pourraient également choisir de s’éloigner du protocole. Une éducation plus “américaine” semblerait être la priorité pour l’enfant né en 2019.
Au final, l’avenir dira si ces deux petits hommes suivront les traces de leurs illustres pères en intégrant Eton College, l’école la plus huppée du monde.
Childeric Ebinda