Le Grand Reporter basé à Londres pour France Télévisions penche son regard sur l’actualité anglaise et révèle comment la traiter. Boris Johnson, Irlande, Islande… Tout y est.
Cela fait quatorze ans qu’Arnaud Comte sert les chaînes de France Télévisions. Passé par l’IUT de journalisme de Tours, le reporter a commencé sa carrière à la radio de son lycée orangeois, ce qui lui donna envie de faire un stage dans ce média. D’abord intéressé par le métier d’animateur, il devient stagiaire à LyonSports pendant deux semaines durant les fêtes de Noël à l’âge de 16 ans. Alors piqué par le job, ses parents lui conseillent une école de journalisme. A Tours, il apprend son métier durant deux ans, puis devient journaliste pour France TV. De reportage en reportage, il développe son envie de faire parler les gens, et de donner les clefs aux téléspectateurs pour comprendre l’actualité. Des couvertures à Mossoul, en Irak, dans les zones de conflits lui procurent notamment le statut de Grand Reporter, et le Prix Bayeux, mais pour lui ce n’est pas le plus important. « Grand Reporter, ce n’est qu’un titre, je suis reporter avant tout, mon rôle c’est d’informer » dit-il avec humilité. Aujourd’hui, le père de famille s’est posé à Londres depuis deux petites années, et fait découvrir le Royaume-Uni aux téléspectateurs français.
Londres Magazine : Comment expliquer le Brexit aux français depuis Londres ?
Arnaud Comte : C’est un sujet compliqué, tout le monde a du mal à comprendre ce que ce mot veut dire, parce que pas concret. L’enjeu pour un journaliste qui travaille sur le Brexit, c’est d’essayer de rendre ce dossier intelligible, d’être pédagogue, rendre compréhensible quelque chose de complexe. Il ne faut pas feuilletonner sur ce dossier, il faut faire la part des choses, entre les choses abstraites et ce qui est un tournant : donner les clefs pour comprendre. Notre rôle n’est pas d’exprimer notre avis mais de faire la synthèse des opinions, il faut faire attention de ne pas tomber dans le Trump bashing ou Johnson bashing. Notre rôle c’est de donner la parole aux gens. Ce qui est très important pour moi, c’est qu’il y ait une représentation au-delà de Londres, qui n’est pas l’Angleterre. C’est une capitale internationale, une bulle financière mais ce n’est pas la vie de tous les Anglais. C’est important aussi de donner la parole au Nord de l’Angleterre qui est frappé par des mesures conservatrices austères, avec des gens qui ont voté majoritairement pour le Brexit. Notre rôle c’est de comprendre ce qui a amené au Brexit. Je tiens à être dans une neutralité absolue, d’être dans les faits, et de les décrypter.
L.M : Vous traitez beaucoup d’autres sujets au Royaume-Uni ?
A.C : Oui, c’est la richesse d’une structure comme la notre. On a la possibilité de réaliser un feuilleton sur la fameuse côte irlandaise pour le 13h France 2, en ce moment on a une équipe en Islande pour un sujet, on peut faire un reportage sur la chasse écossaise… Notre champ d’investigation c’est tout le Royaume-Uni et l’Islande, on ne se met aucune barrière. On veut tout couvrir, montrer toutes les facettes sur toute une gamme de thématiques, cela nous permet de nous intéresser à tous les sujets, sociétaux, économiques… On peut prendre le pouls de tout ce qu’il se passe dans le pays.
L.M : Quel est l’événement qui vous a le plus marqué en tant que correspondant à Londres ?
A.C : Je ne dirais pas un événement mais plus un constat. Depuis que je suis là, je suis frappé par le décalage entre Londres et le reste du pays. De voir à quel point le système social, les services publics ont disparu dans certaines régions, sont absents dans le Nord du pays en dépit de ce que l’on a en France. Le décalage entre Londres, une des capitales les plus riches au monde et la réalité économique du reste du pays. Quand vous allez à Manchester, vous prenez conscience de la difficulté pour les gens aux revenus modestes de s’en sortir : pas d’aide pour les logements, des personnes qui doivent choisir entre se chauffer et manger, dans la mesure où le sytème économique a fait que les commerces de proximité ont disparu. On a fait un sujet sur les déserts alimentaires qui m’avait frappé. Vous y rencontrez des êtres humains qui n’ont pas les moyens de s’alimenter dignement, il n’y a plus que des grands commerces, pas de transports, pas de voiture : un seul choix pour se nourrir, le grand centre commercial, aux prix trop élevés. Et cette population, du coup, doit faire appel à des banques alimentaires pour se nourrir. En tant que correspondant, cela m’avait touché. Quand on va dans ces endroits, on comprend un peu mieux le mécanisme qui a conduit au Brexit.
L.M : Vous avez toujours eu l’envie de venir travailler à Londres ?
A.C : Oui, je suis reporter avant d’être correspondant, je travaille à France tv depuis maintenant quatorze ans, j’ai couvert divers conflits, mais aussi l’actualité internationale comme l’élection d’Obama, la coupe du monde au Brésil, etc, et c’est un peu la suite logique de tout cela. J’ai des enfants en bas âge, je n’avais pas forcément envie de continuer à couvrir des guerres et à m’exposer au danger que ces missions peuvent comporter. Londres c’est une nouvelle étape avec le suivi du dossier sensible qu’est le Brexit, mais aussi avec quelque chose que j’apprécie particulièrement : je peux m’immerger dans le pays, pour devenir expert d’une région géographique et cela est hyper intéressant. C‘est le cœur du métier, on arrive avec beaucoup d’inconnu, de méconnaissance, et d’humilité, un regard neuf, ce qui permet d’être frappé par certaines choses, d’être plongé dans le quotidien des gens. C’est intéressant parce que c’est une ouverture d’esprit, cela permet de comprendre comment les autres pays fonctionnent, et de montrer aux Français comment les choses sont vécues ici.

Arnaud Comte en Duplex TV à Londres. CP/©Arnaud Comte
L.M : Vous avez tout de suite eu l’envie de devenir journaliste à l’étranger ?
A.C : Non, à la base, non, parce que je considère que le grand reportage, il est au coin de la rue. Je ne me considère pas forcément comme grand reporter je me présente d’ailleurs comme reporter. Le reportage dans la rue, que ce soit à Paris ou sur un rond point avec les gilets jaunes, il est plus difficile que le travail de reporter à Rakka ou a Mossoul. L’idée quand on rentre en zone de guerre c’est de rester le moins possible et de ramener le reportage : ça nécessite de très bien connaître son travail, de ne pas s’attarder sur tout, de savoir ce qui est important de montrer. Le reportage au coin de la rue, c’est plus difficile parce que c’est le quotidien de gens, il faut passer extrêmement de temps sur le terrain, il faut aller chercher les clefs pour raconter une histoire. L’histoire sur un terrain de guerre, elle se passe devant nous, il y a juste à filmer, un reportage au coin de la rue il faut aller le chercher.
L.M : Le prix Bayeux, le titre de Grand Reporter, quatorze de France Télévisions… Quelle sera la suite et avez-vous encore des rêves à réaliser ?
A.C : Je n’ai jamais fait de plans sur la comète. Je suis correspondant à Londres et j’espère le rester encore quelques années. C’est tellement prenant que je ne me pose pas la question. Mon rêve quand je suis sorti de l’école de journalisme, c’était « Envoyé Spécial ». C’est l’émission que je regardais avec des grand yeux quand j’étais gamin. Je disais à mes parents « Mais c’est quoi ce métier ? » quand j’étais petit, j’étais allé me renseigner au lycée et la conseillère d’orientation m’avait dit « c’est le métier de journaliste ». Depuis j’ai poursuivi ce rêve. J’étais très ému lors de ma première émission « Envoyé Spécial ». Je suis arrivé à 20 ans au service étranger de France Télévisions : j’ai pu travailler avec Maryse Burgot, Jacques Cardoze… Je me suis formé auprès de ces personnalités là. J’ai de l’admiration pour eux, et ce sont des gens qui aujourd’hui, quand ils me font une réflexion sur un sujet je les écoute. J’ai des jeunes journalistes autour de moi, et j’essaie de transmettre ce savoir qui m’a été transmis. J’ai accompli mes rêves, j’ai couvert des guerres, j’ai été envoyé spécial, j’ai eu la reconnaissance des journalistes avec le Prix Bayeux, et j’en suis très content. A l’avenir, je voudrais rester sur le terrain. Je défendrai toujours le journalisme de terrain, parce que c’est ce que l’on a de plus précieux.
L.M : Si vous pouviez dîner avec des personnalités mortes ou vivantes à Londres, ce serait qui ?
A.C : Wow ! A Londres je dirais la Reine d’Angleterre ce serait assez incroyable même si c’est impossible pour un correspondant. Et pour être un peu plus léger, Chris Waddle, qui est un consultant de la BBC, je suis un fana de foot et c’est un ancien joueur de l’Olympique de Marseille, une équipe que j’affectionne particulièrement. J’aime beaucoup le sport mais côté foot j’ai un petit penchant en tant que provençal pour l’OM !
Milan Tinnirello