Dans le cadre de l’EFG Jazz Festival, la chanteuse franco-algérienne se produit le 19 novembre au soir au Jazz Café, à Camden.
Londres accueille l’hébreu dans son fief. Souad Massi a une carrière marquée par les événements politiques et culturels, ce qui fait d’elle une chanteuse engagée. Elle vient d’une famille algérienne de mélomanes, où elle se découvre une passion pour la musique. Elle commence à percer dans les années 90 en Algérie, avec des chants anglo-saxons. En 1999, elle est invitée à Paris par une association algérienne, dans le contexte de la guerre civile en Algérie, et c’est le début de sa carrière d’artiste sur la scène internationale : la chanteuse écrit son premier album après être repérée. Devant le succès de celui-ci, elle devient une artiste à part entière et s’en suivent des collaborations avec des grands artistes comme Marc Lavoine, Francis Cabrel et bien d’autres encore… Avec toujours des revendications sociales à travers ses paroles, concernant la politique de l’Algérie, les femmes, l’immigration et une pluralité de sujets. Le mois dernier, l’artiste engagée a sorti son sixième album « Oumniya », qu’elle vient interpréter à Londres le 19 et le 20 novembre. Rencontre avec la chanteuse internationale qui veut toucher le public londonien.
Londres Magazine : Votre sixième album s’appelle « Oumniya », ce qui veut dire « Mon souhait » en arabe, quel est votre souhait avec cet album ?
Souad Massi : Cet album est autobiographique. Je parle de la trahison, d’une trahison personnelle d’un proche. Et dans toutes les chansons je parle d’amour, mais dans cette chanson « Oumniya », je cherche la paix intérieure. C’est mon souhait en ce moment. Dans le refrain il y’a une certaine douceur, le souhait c’est la fin de quelque chose, de trouver la paix, je pense que cela est le sens de ce titre.
L.M : Vous en êtes à votre sixième album, vous avez eu une victoire de la musique, vous avez collaboré avec Marc Lavoine, Francis Cabrel et bien d’autres artistes… Qu’est-ce que vous attendez de ce dernier album ?
S.M : J’ai juste envie d’être fidèle aux gens qui me suivent, qui m’aiment bien et qui se retrouvent dans mes textes. Si mes chansons peuvent accompagner les gens dans la vie tous les jours, ça me procure énormément de plaisir et de réconfort. D’ailleurs, dans « Pays Natal », j’avais envie de toucher les gens qui sont loin de chez eux. C’est un texte de Françoise Mallet-Jauris, et cela m’a bouleversée. C’est une chanson pour tous les déracinés qui sont obligés de partir pour vivre une vie meilleure.
L.M : Vous venez jouer à Camden deux soirs d’affilée, quel est votre rapport à l’Angleterre et à la musique anglaise en général ?
S.M : Comme beaucoup d’artistes, j’ai été nourrie par la musique anglaise, notamment la pop. Il y a une culture musicale très riche ici. Venir jouer devant des Londoniens, ça met un peu de pression parce que c’est un public connaisseur avec une culture musicale. Ici, j’aimerais bien jouer avec le musicien britannique Paul Weller qui a une voix extraordinaire, et qui joue à l’EFG Jazz Festival, on s’est vus quelques fois et on a émis le projet de faire une scène ensemble mais on est tous les deux très pris par nos agendas malheureusement !
L.M : Est-ce qu’il était important pour vous de parler du droit des femmes dans votre album ?
S.M : Dans ma culture, c’est très mal vu de parler d’amour pour une femme, alors que les hommes ont tous les droits. Pour moi, il était important de briser ce tabou, je me suis dit, à ce moment de ma vie, il faut aller à l’essentiel, oser, être courageuse et dire ce que l’on pense. Les droits des femmes c’est important dans le monde, surtout au Maghreb, Moyen-Orient, en Afrique, où il y a encore des discriminations, où on préfère encore envoyer un garçon à l’école parce qu’il porte le nom, parce qu’il ne va pas se faire violer sur la route. Dans la chanson « Je veux apprendre », je dénonce le mariage précoce, qui se pratique encore dans ces pays-là. Dans cette chanson je parle aussi du manque d’éducation dans certaines cultures, j’évoque une petite Africaine qui ne va pas à l’école parce que sur le chemin elle se fait violer… Et tout cela existe. C’est horrible, il fallait que j’en parle.
L.M : Vous êtes franco-algérienne, vous défendez les droits des Algériens depuis longtemps. Est-ce qu’il était important pour vous de parler de la crise politique algérienne actuelle ?
S.M : C’était mon devoir en tant que citoyenne de suivre ce qu’il se passe, de prêter ma voix à la rue algérienne. C’est un combat noble. Je voulais m’associer à ces voix qui sont dans les rues tous les mardis, tous les vendredis, pour faire partir ce gouvernement en place. J’étais contente que Bouteflika parte, mais je ne suis pas naïve, c’est un symbole, il faut déraciner ce gouvernement corrompu, il est contre les démocraties. Il y a plus de 170 détenus d’opinions en Algérie, leurs seuls délits c’est de s’être exprimés pour le changement. C’est dans la chanson « Fibali », que je dénonce la crise politique en Algérie à travers beaucoup de métaphores…
L.M : Si vous pouviez diner avec des personnalités mortes ou vivantes à Londres, avec qui ce serait ?
S.M : Ce serait Charlie Chaplin, je trouve que c’est un génie. C’est le seul qui me fasse rire, j’ai beaucoup de mal à rire, il me touche beaucoup. J’adore cette personne, si on avait plus d’êtres comme lui le monde serait merveilleux. J’aurais aimé prendre un café avec lui dans les rues de Londres, pourquoi pas ? Et ensuite Bruce Lee ! Je suis fascinée par sa personne. J’adore sa philosophie et sa force mentale, j’aurais voulu discuter avec lui, connaître l’homme et non pas le sportif.
Milan Tinnirello
CP photo de Une : Carl Hocquart
PRATIQUE
Les 19 et 20 novembre
De 19h à 22h30
5 Parkway, Camden, London, NW1 7PG