A l’occasion d’une journée d’action organisée le 2 novembre dernier et baptisée The Last Mile, Nicolas Hatton, fondateur de l’association The 3million nous accorde un entretien. De la possibilité d’un nouveau référendum à la question des droits des citoyens européens, il nous éclaire sur l’actualité du Brexit.
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The Last Mile : remettre les Européens au centre
Nicolas Hatton : L’objectif de cette journée baptisée The Last Mile était de recentrer le débat sur les droits des citoyens européens car, depuis quelques mois, nous n’entendons parler que du problème de la frontière irlandaise mais pour autant les droits des citoyens européens ne sont pas réglés. Pour cela nous avons fait une chaîne humaine qui symbolisait l’amitié entre les peuples, entre les Européens et les Britanniques. Nous avons transmis une lettre à Theresa May car c’est en son pouvoir d’aller à Bruxelles, de dire à Michel Barnier que si jamais ils n’arrivaient pas à s’accorder sur la sortie de l’Union européenne au moins ils pouvaient mettre en place l’accord sur le sort des citoyens européens ici et des Britanniques en Europe. C’est notre message principal, d’avoir un accord sur les citoyens en dehors de tout autre accord. Après cette première partie en extérieur nous sommes allés au Parlement. Nous avions organisé une réunion publique avec des députés de tous les partis. Nous voulions leur demander de protéger les droits des citoyens européens en cas de no deal et nous pensons avoir été entendus. Nous avons également reçu la visite surprise de Robin Walker qui travaille avec Dominic Raab sur le dossier du Brexit. Ce qui a été extraordinaire lors de cette journée c’est que nous avons parlé des droits des citoyens européens. Le bilan que nous tirons de cette rencontre est donc très positif.
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Les citoyens européens toujours menacés
Nicolas Hatton : Ce qui est vraiment important pour nous c’est de montrer qu’on veut éviter l’option no deal. Nous avons vu ce qui s’était passé avec la génération Windrush. Un petit changement de règlement peut avoir un impact conséquent sur des populations. Il y a 700 000 enfants européens dans ce pays. En 2080, beaucoup seront vivants. Nous avons besoin que les règles appliquées à tous les Européens ici soient toujours en place en 2080. Nous ne voulons pas de changement, nous ne voulons pas de nouveau Windrush. Il faut un traité entre le Royaume-Uni et l’Union européenne pour que ces droits soient protégés de la manière la plus ferme possible. Cela ne sera pas sans accord. Sans accord, il n’y aura pas de traité juste des lois britanniques et ce n’est pas suffisant.
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L’optimisme est de mise pour un accord entre chefs d’État
Nicolas Hatton : Personnellement, je ne pense pas qu’on va arriver à un no deal car il n’y aurait pas d’accord. Ils ne peuvent pas faire échouer les négociations. Ni Theresa May ni Michel Barnier ne voudraient être responsables au niveau historique de l’échec de ces négociations. Ce serait une fin de carrière désastreuse. Après, est ce que l’accord passera le Parlement anglais ? C’est autre chose… Pour l’instant il n’y a pas de majorité pour un quelconque accord. Dans ce cas-là, nous retournons dans l’option no deal. Si le Parlement anglais rejette le deal nous demanderons un vote sur l’accord pour le sort des citoyens européens. Nous sommes optimistes sur un accord entre chefs d’État mais sur le vote au Parlement c’est vraiment difficile à prévoir.
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Un second référendum peu probable
Nicolas Hatton : Pour moi, le premier vote n’était pas démocratique. Les citoyens du Commonwealth qui vivaient depuis très peu en Angleterre ont voté. 60% des britanniques expatriés en Europe n’ont pas voté ni les Européens du Royaume-Uni alors que ce sont les premiers impactés. Reproduire les erreurs d’un vote qui n’était pas démocratique ne me paraît pas convaincant. Si le vote se solde par le même résultat, ce qui est possible, cela va nous remettre dans une situation semblable. Un second vote n’est envisageable que si la question des droits des citoyens européens est garantie avant. C’est une discussion que nous avons essayé d’avoir avec le People’s Vote mais sans succès. Le People’s Vote fait sa manifestation sans nous inviter à la tribune malgré nos demandes. Nous ne sommes pas inclus dans le débat alors que nous sommes les premières victimes. Personnellement, je trouve la démarche du People’s Vote ambiguë. De manière réaliste pour avoir un référendum, il faut un vote du Parlement et donc une majorité or ils ne l’ont pas. C’est très peu probable qu’il y ait un nouveau référendum.
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Le départ des entreprises, une menace pour les citoyens européens
Nicolas Hatton : Le départ de certaines entreprises est inquiétant pour les ressortissants européens qui doivent suivre ou alors qui vont rester et avoir des difficultés à retrouver un travail. Cependant il est un peu tôt pour s’inquiéter. Je pense que tout va dépendre des conditions de sortie de l’Union européenne. Si jamais le Royaume-Uni reste dans le marché commun, l’union douanière, que les 4 libertés de circulation sont préservées, nous ne verrons pas trop de changements. Cela reste pour moi le scénario le plus probable. Le Brexit aura un nom mais aura peu de contenu à cause des effets quasiment suicidaires qu’un vrai Brexit aurait. Les droits des citoyens européens seraient donc plus facilement préservés.
Propos recueillis par Julien Troussicot
Crédit photos: Marcus Rose / UNISON