C’est la Française du Zéro Waste. Bao Quang est l’entrepreneuse honnête dans son entreprise Honest Cake. L’art de mélanger les puddings parfois vegan et sans gluten avec une pédagogie au recyclage dans le packaging et l’alimentation. Celle qui a déjà pitché à French Square dépasse, à présent les frontières de la communauté car elle faisait partie des exposants du Zero Mkt, marché vegan et du zéro waste. Rencontre avec celle pour qui métamorphose un petit pot en grande idée.
Londres Mag : Pourquoi s’intéresser à la communauté Zero Waste ?
Bao Quang: En étant très intéressée par les produits et leur consommation, j’ai été attirée par cette communauté de gens qui consomment différemment. Au début, c’était juste une question de curiosité, pourquoi des personnes consacrent-elles autant de temps à changer les habitudes ? L’environnement pour moi c’est une passion et on se pose toujours la question : comment faire pour améliorer les choses. Au final, la première attitude à modifier, c’est le choix du quotidien: consommer mieux à la maison. Lors de mon expérience dans la vente au détail et l’opérationnel en France comme assistante chef de rayon, j’ai observé que les produits sont identiques, de qualité, toujours en packaging, toujours conditionnés dans un film plastique, pour qu’ils soient plus « glossy » pour qu’ils soient achetés. Mais en approchant cette nouvelle communauté depuis 2 ans et demi, j’ai découvert une meilleure manière de consommer, meilleure pour l’environnement, meilleure pour les personnes, meilleure pour les familles et un peu pour tout le monde dans la chaîne alimentaire.
Londres Mag : Comment s’est crée Honest Cake ?
Bao Quang: Le nom m’est venu bien avant le produit. Lors d’une soirée entre amis, j’ai eu l’idée de confectionner des gâteaux normaux pour des gens normaux, des gâteaux “honnêtes “. D’où Honest Cakes. Quand j’ai créé mon entreprise, j’ai décidé de garder en tête comment un produit peut être vendu aujourd’hui, tout en faisant en sorte que le packaging en lui-même ne finisse pas à la poubelle. Il fallait établir un système qui permette de répéter à l’identique un procédé déjà existant mais qui rajouterait une petite touche pour qu’il soit respectueux de l’environnement. C’est là que j’ai vraiment développé cette idée de retour de pots en verre. Aujourd’hui, les gens savent déjà que les pots en verre sont plus sains pour les aliments et pour les consommateurs , et en plus réutilisables. Certaines entreprises optent pour les pots en verre mais sans les réutiliser. Or la production de pots en verre et leur recyclage sont quasiment aussi néfastes pour l’environnement que l’utilisation de pots en plastique. Il faut, en plus, continuer le processus et les consommateurs se disent que « le système ne s’arrête pas là, je suis acteur du système et je peux demander à ce que ces pots soient réutilisés, et contribuer à cette réutilisation ». Je pense que pour instant beaucoup de magasins ne croient pas en ce système de consigne, mais il y a aussi une énergie venant d’une communauté qui veut vraiment contribuer à ce changement et qui est prête à en être actrice. Pour moi, c’est très beau de réaliser qu’énormément de personnes veuillent changer les choses. Même si c’est pour un yaourt, un dessert ou n’importe quel produit aussi dérisoire, c’est un début encourageant.
Londres Mag : Ce genre de « révolution » est-il plus facile de faire à Londres qu’en France ?
Bao Quang : C’est principalement l’acceptation des nouvelles idées, l’ouverture à des choses un peu différentes, à l’expérience.qui mènent à la réussite. Je pense qu’ici il y a énormément de nouvelles entreprises qui réussissent parce qu’elles ont juste le cran, le temps et l’environnement pour essayer leurs idées par rapport à Paris qui est encore très traditionnel. Londres c’est un environnement qui est propice à l’innovation. Après mon diplôme, j’y suis partie directement. Je viens d’une famille très traditionnelle, vietnamienne, toujours dans la sécurité et les habitudes. Tout se passait bien, pourquoi changer ? J’avais envie de bousculer les traditions, je suis arrivée à Londres où j’ai travaillé pendant 1 an et demi, dans l’opérationnel, or j’aime savoir comment faire pour qu’un produit arrive au consommateur, c’est ça qui m’intéresse. C’est aussi là que j’ai été vraiment attirée par la communauté Zero Waste.
Londres Mag : Comment vous êtes-vous développée en tant que start-up à Londres ?
Bao Quang : Quand je travaillais dans le détail, je cherchais un moyen d’avoir de l’impact sur l’environnement. Et la première idée était d’aller vers le monde des charity mais il y beaucoup de dépendance aux donateurs. Comment, donc, gagner de l’argent pour une bonne cause ? C’est d’avoir sa propre entreprise pour faire ses propres compromis. Travailler pour ce genre d’entreprise signifie devoir utiliser des produits qui viennent de très loin, dans un emballage en plastique ou des produits locaux mais non organiques. Quand j’ai développé Honest Cake, l’idée c’était de pouvoir faire mes propres négociations et en parler très librement. J’utilise le plus possible des produits bio, et ceux qui ne le sont pas sont fair trade. C’est un compromis et une question d’échelle. A Honest cake, je voulais que mes clients soient satisfaits s’ils mangeaient dans ma salle à manger.
Londres Mag : Comment aller à la rencontre de ce monde en version digital ?
Bao Quang : Je me suis servie de beaucoup d’outils, des médias sociaux, comme Instagram, une plateforme que je trouve particulièrement facile d’utilisation et pleine d’impact. C’est une plateforme, un tout petit peu moins politique que Facebook ou Twitter. Je parle d’Instagram toujours positivement, c’est vraiment l’outil qui m’a fait rentrer dans le mouvement Zero Waste et je lui en suis vraiment reconnaissante. C’est, pour le moment, un très petit mouvement qui se fait entendre partout en moins de trois ans. Londres est très grand donc il y beaucoup de monde mais à Paris sans le coté digital il n’y avait personne. C’est très très important le digital pour trouver ses marques, trouver ses clients, les entreprises concernées…
Londres Mag : Dans les communautés que tu as déjà rencontrées, la communauté des Français qui organise beaucoup de networkings et French Square, ce sont aussi des moments où vous pouvez vous confronter à une nouvelle clientèle ou avoir des retours sur le goût ?
Bao Quang : La communauté française est systématiquement plus sceptique, tu peux avoir 100 retours positifs anglais dont un négatif, sur les 1000 retours français, tu en auras la moitié de négatifs. C’est culturel, les gens pour t’aider vont te mettre des bâtons dans les roues ! J’ai choisi de me dire que c’était bénéfique. Le fait d’avoir eu des parents vietnamiens fait que même si je me suis appropriée la culture française, il y a toujours ce coté un peu différent. Les traditions, l’éducation… donc je me suis toujours sentie française mais avec un extra. A Londres, apporter ce côté extra français, c’est génial.
Londres Mag : Comment du point de vue gustatif, avez-vous développé les recettes en pot ?
Bao Quang : Pour donner un autre aspect au produit. L’idée ce n’est pas de faire des gâteaux pour qu’ils rentrent dans des bocaux, c’est d’utiliser les bocaux comme partie intégrante du produit, de faire en sorte que ça soit ludique pour les clients. C’est pour cela que je me suis tout de suite retourner vers des puddings, des desserts à base de crème. Et ensuite se dire que tous ces desserts peuvent se transformer facilement en produits vegans. J’ai commencé avec trois recettes : deux vegan et une gluten free. Il ya plein de desserts dans le monde sans farine ni produits laitiers, l’un de mes desserts vietnamiens préférés est gluten free et vegan. J’ai proposé ce pudding de tapioca avec de la banane, avec du matcha. Les consommateurs ont testé, et j’ai eu des retours positifs encourageants maintenant il est dans ma liste de créations.
Londres Mag : En plus du travail avec des entreprises, il y a les marchés. Que cela vous apporte -t-il par apport aux autres façons d’aborder les consommateurs ?
Bao Quang : Dans les marchés c’est magique, les personnes sont détendues, elles veulent donner leur feedback, je trouve que c’est un temps privilégié avec le consommateur émotionnellement. Plus l’entreprise va grossir, moins je vais chercher à faire ces marchés mais au début de ce chemin c’est très important d’avoir ce moment intime avec les personnes qui vont goûter mes desserts. Les gens demandent ce qui est – honnête- et vont vouloir découvrir. Plus de 50% des personnes sont ouvertes au concept. Mon entreprise est axée sur le système de consignes mais n’oublions pas que c’est juste un dessert donc ça doit être bon ! C’est pour ça que dans le marché le système de consigne je n’en parle qu’à la fin. 90% du temps que je consacre à mes clients, c’est vraiment pour le produit en lui-même.
Londres Mag : Et quelle est la prochaine étape ?
Bao Quang : Mon fil directeur c’est vraiment d’avoir le plus de points de ventes possibles pour vraiment tester la viabilité de ce système et de voir à quel point il est duplicable. L’idée pour plus tard ce serait d’avoir une boutique pour recueillir très facilement les pots et avoir un réseau de ponts de collecte pour que ce soit très simple pour tous . A la fin de ma première et deuxième année je vais vraiment essayer d’avoir plus de 50% de retour de pots, pour l’instant, c’est encourageant au-dessus de 50% sur les boutiques : 47% en janvier, 57% en février et 48% en mars. Quand j’agis comme traiteur dans les entreprises, j’ai autour de 90% de retours de pots.
Interview mené par Solène Lanza
PRATIQUE
Disponible notamment
BulkMarketUK : 6 Bohemia Place, E8 1DU
Get Loose : Hackney City Farm, 1a Goldsmiths Row, E2 8QA