Clara Euler est photographe française à Londres mais aussi à Paris, Edinburgh, Berlin, Copenhagen. Toujours son passeport en poche, elle vient poser sa French Touch chez Londres Mag. Venez à la rencontre de cette nouvelle créative qui est de passage avec ses clichés culture de votre magazine préféré.
Théâtre/presse, Angleterre ou Paris, comment te définirais-tu ?
Ça commence fort, je vais d’abord en parler à mon psy !! Je me définis comme quelqu’un d’indécis, donc pour l’instant je ne fais pas trop de choix, qu’il s’agisse des thèmes où des pays – tant qu’il s’agit de travailler des humains, sur des thématiques de société, je mets ça dans la catégorie Portrait. Mais c’est sûr que l’Eurostar a ouvert pour moi un champ des possibles – espérons qu’il ne va pas trop se rétrécir si ce foutu Brexit finit par arriver.
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Dans mes grands maîtres de la photo, il y a Dorothea Lange, Diane Arbus, Tim Walker, Annie Leibovitz pour ses reportages, Cecil Beaton, Nadav Kander, Yann Rabanier, Edward Steichen…. On continue ? (Sourires) Mais mon éducation sentimentale à l’image vient d’abord du cinéma, mes parents m’ont filé le virus assez tôt – du coup, Tim Burton, Woody Allen ou Cédric Klapisch ont quand même bien influencé mon envie de mettre un cadre autour des choses que je vois.
Pourquoi as-tu décidé de devenir expatriée ?
J’adore la France, mais changer de carrière peut s’avérer compliqué, surtout sans les bonnes connexions et ni la bonne école ! Je suis un produit 100% made in Fac, ayant travaillé dans l’édition, le web, et l’architecture : annoncer qu’on veut changer de voie, c’est quelque chose qui perturbe les Français, alors que les Britanniques ne s’attachent pas du tout au CV – enfin, sauf si tu veux être avocat ou médecin, là, c’est préférable ! Ici, c’est le Far West, on peut débarquer et tenter sa chance un peu plus facilement – mais il faut bien se garder de tomber dans le fantasme.
Avec la série French Touch, comment te sens-tu ambassadrice d’une culture ?
Je ne sais pas si j’ai déjà gagné mon titre d’ambassadrice – et d’ailleurs je ne suis pas sûre de vouloir un titre, mais je dois avoir des petits relents chauvins, c’est quand même agréable de pouvoir mettre en avant l’exception culturelle française. Notre système fait qu’il est encore possible de résister un peu à l’hégémonie américaine, et c’est quelque chose que les artistes des autres pays nous envient beaucoup. Du coup, si par l’image, je peux mettre en valeur des talents connus ou moins connus, je souscris.
Pourquoi avoir choisi le métier de photographe ?
En théorie c’est un métier que tu peux exercer partout, la barrière du langage tombe assez vite. C’est une chouette manière de rencontrer des gens de tous horizons, et on te pardonne un peu plus d’être curieux quand tu te caches derrière un objectif. On est pas coincé derrière un bureau toute la journée, la plupart du temps il n’y a pas trop de routine. Et j’ai toujours aimé les images, les sensations de voyage ou l’émotion que peut déclencher le portrait d’une personne qu’on ne connaît pas du tout.
Qu’est-ce que c’est qu’une bonne photo?
Ah, la question piège ! Disons que ces temps-ci, la bonne photo, c’est celle qui te fait arrêter de scroller pendant quelques instants. A l’heure du tout image non-stop, c’est un petit miracle quand on arrive à attraper le regard des gens, voire leur attention. Personnellement, j’aime les choses assez épurées, et j’aime bien que l’image finale révèle une spécificité de la personne et que celle-ci soit contente du cliché. Je n’ai pas envie de traumatiser les gens, si une photo les dérange vraiment, je préfère effacer, ça veut dire que j’ai mal fait mon boulot !
Comment développer la photographie à l’heure de la communication digitale ?
C’est un peu le règne de la quantité sur la qualité ces temps-ci… Je n’ai vraiment aucune idée de ce que l’avenir nous prépare. Avec l’uberisation des métiers, tout le monde est photographe, vidéaste, directeur artistique… ce qui permet à toute personne de tenter sa chance (j’en fais partie, je ne vais pas cracher dans la soupe), mais je pense qu’il faut avoir une certaine exigence avec soi-même, rester très critique et continuer à perpétuellement éduquer son regard, pour ne pas produire des images « faciles », trop lisses, avec un style commercial.
Une adresse préférée à Londres ? Un quartier ?
J’ai habité dans beaucoup de quartiers différents, mais j’avoue que j’ai toujours une préférence pour Chiswick, Hampstead ou Greenwich, qui mêlent vie londonienne et ambiances de village anglais. J’aime bien l’idée d’être excentrée, un peu loin du brouhaha touristique (même si avec le théâtre, je passe beaucoup de temps à Soho !) Pour les adresses…. Disons que je passe beaucoup trop de temps au V&A, que la librairie Foyles c’est le lieu de toutes les tentations, et qu’un pub le long de la Tamise, c’est toujours une bonne idée !
Si tu devais organiser un dîner à Londres avec des personnalités vivantes ou mortes, qui inviterais-tu ?
Tant qu’à rêver, je ferais bien une grande tablée, avec pèle-mêle : Jane Austen, Oscar Wilde, Randy Newman, Ian McEwan, Pierre Desproges, Alexander McQueen, Bob Dylan, Sarah Silverman, Amanda Palmer, Claude Chabrol, Honoré de Balzac, Daniel Pennac, Ken Loach… Du mort et du moins mort. Je m’arrête à 13 parce que je sens que ça fait déjà beaucoup… ça risque de tourner au colloque plus qu’au dîner !!! (Si Elton John veut s’incruster, je ne suis pas contre et ainsi faire une grosse teuf ouverte à tous plutôt qu’un dîner non ?) (Sourires)
Quels sont tes prochains projets ?
J’aimerais reprendre un projet sur les humoristes et l’origine de leur montée sur scène, et puis depuis des années je me dis qu’il faut que je bosse sur les titres de William Sheller. Mais l’été arrive, il s’agit de compiler l’emploi du temps parfait entre les commandes privées et les festivals/événements culturels. Disons que je suis passée maître en gestion d’Agenda et Reservations SNCF, donc si ça ne marche plus en photo, je deviens personal assistant. Ou blogueuse. (Rires !)