Aujourd’hui encore, le mouvement culturel du punk, devenu un effet de mode, fascine. Cette année, le célèbre tube «London Calling» des Clash fête ses 40 ans. Outre Manche, les Punks Français fêtent eux aussi leur 40è anniversaire, à cette occasion, le musée de la Sacem consacre depuis le 21 janvier, une exposition au mouvement anarchiste qui a secoué la France au début des années 70. Londres Mag a décidé de faire un saut dans le passé afin de ne pas oublier que c’est à Londres que le Punk a pris racine.
Un passé No Future
Londres, milieu des années 70, le pays est enclin à une crise, les jeunes issus des classes moyennes, fils et filles d’ouvriers sans le sous décident qu’il est temps de lancer une révolution.
La contre-culture s’exprime d’abord par le Do it Yourself de ces jeunes qui craignent pour leur avenir. Cette pratique se voulait inventive et personnelle et a ouvert la porte à de nombreuses créations vestimentaires mais pas uniquement …
« Ils provoquent, par l’accoutrement et par le geste, ce sont les punks. Punk ça veut dire paumé, raté, minable. Autrefois c’était une insulte, aujourd’hui être punk, avoir l’air taré, c’est une aspiration. » Ce genre de discours, c’est ce qu’on pouvait entendre sur les chaînes de télévisions françaises notamment lors du mouvement de Mont-de-Marsan. Ce festival a rassemblé de nombreux punks français et d’Outre-Manche lors de cet évènement musical.
Mais l’esprit punk c’était avant tout exprimer son mécontentement, son ras le bol du baba-coolisme, du disco, du capitalisme, de l’oppression. Être punk représentait autre chose que le simple fait de vouloir déranger. C’était une revendication, une révolte.
Anarchy in the UK de Chelsea à Camden
Le point de repère des Punks, c’était le Kensington Market. Aux antipodes de la mode actuelle, le marché et ses étalages d’excentricités en métal et simili cuir se situait à deux pas de l’actuelle High Street Kensington station. Les vendeurs de fripes y trouvaient leurs clients, les créations originales de ce style alternatif émergeant et piquant avaient un certain succès – depuis devenu emblématique, certains le remettent même au goût du jour, à en juger par la collaboration de Doc Martens avec les Sex Pistols – Egalement, c’est dans le même borough que se trouvait la fameuse boutique de vêtements alternatifs de King’s Road, SEX de Vivienne Westwood et Malcom McLaren, qui se renommera par la suite World’s End, surplombée de sa légendaire horloge aux aiguilles tournant à l’envers.
C’est aussi non loin de Chelsea qu’est implanté un célèbre bordel, en réalité appartement de Linda Ashby, l’une des premières icônes punk. Situé à Buckingham Gate, c’est ici que se rencontra le couple tristement célèbre Sid Vicious, bassiste des Sex Pistols et Nancy Spungen.
Malheureusement, et parce que rien ne semble aller en faveur de ces jeunes, la gentrification de Chelsea et son capitalisme grandissant rendent le quartier trop populaire, l’anti-punk a son paroxysme. Ce nouveau mode de vie pousse cette sous-culture et ses adeptes à déserter vers un endroit correspondant plus à leur image. Camden sera leur exil.
En 1974 ouvre le premier market de Camden, la vente de seconde main reprend de l’activité. Dans le même temps, la musique prendra le pas sur l’accoutrement, bientôt, un nouveau genre musical verra le jour.
Revolution on stage
Leur colère, ils la transforment en musique et ils la jouent, plus ou moins bien, sur scène, dans des salles depuis devenues culte comme le 100 club d’Oxford Circus.
Ce n’est pas du grand art, mais c’est vivant, énergique, ça veut dire quelque chose ! S’inspirant d’artistes américains comme The Ramones ou encore Patti Smith, cette musique apporte un nouveau souffle à cette génération qui étouffe.
L’un des premiers groupes à donner de la voix, c’est évidement The Sex Pistols, la bande voit le jour en 1975. C’est, sans surprise, dans les locaux de SEX que tout commence ! Cette formation d’anarchistes deviendra le groupe de Punk Rock le plus influent et l’un des plus médiatisé de sa génération au Royaume-Uni et même Outre-Manche.
Après quoi, la machine était lancée : The Clash, sont eux aussi une des figures emblématiques du punk Anglais insoumis. Si aujourd’hui le titre “London Calling”, est fredonné avec le sourire, ce n’était pourtant pas l’objectif premier des paroles. Politiquement engagées, elles font référence à la BBC et son slogan « This is London Calling » utilisé sur les radios des pays sous l’occupation durant la World War 2. Les Clash s’attaquaient à Margaret Thatcher, à l’époque nouvellement arrivée au pouvoir «L’ère glaciaire nous tombe dessus».
Des groupes comme The Damned, Discharge, Siouxsie and The Banshees, ou encore The Jam trouvent eux aussi un public parmi les jeunes anarchistes et rentreront dans l’histoire en tant que pionniers du mouvement, le diffusant largement aux quatre coins du monde.
Avec les années, le Punk donnera naissance à d’autres genres musicaux, il verra débarquer la seconde vague du ska qui, créé dans les années 50 en Jamaïque, connaîtra une sulfureuse renaissance en Angleterre à la fin des années 70, elle est nommée « 2-Tone ». Très influencé par le punk anglais et notamment par The Clash, le ska, plus rapide et souvent engagé politiquement, verra naître des groupes comme Madness. Aux Etats-Unis, le groupe Bad Brains fusionnait déjà le reggae et le punk hardcore mais il faudra attendre des groupes comme Operation Ivy pour que le ska-punk devienne un genre à part entière.
L’Oi s’imposera aussi comme mouvement musical et skinhead se voulant incarner la voix de la rue, celle des prolétaires. Au départ similaire aux intentions du punk rock, l’Oi devient vite plus marginale, espérant se démarquer du mainstream qui gagne peu à peu les désormais «célèbres» groupes de punk.
Puis, l’une des branches les plus solides du sous-genre qui en découlera, surtout aux Etats-Unis, c’est le punk hardcore. Les pionniers se prénomment D.O.A, Black Flag, Bad Brains ou Middle Class, eux aussi trainent leur révolution sur scène. Plus agressifs et avec un chant crié, le punk hardcore américain a lui aussi une dent contre la politique de son pays. De fait, Ronald Reagan a été la cible de nombreuses attaques (affiches, paroles de chansons) le groupe D.O.A intitulera même un de ses titres « Fucked up Ronnie ».
Until the World’s end
Que reste-t-il aujourd’hui de cette révolution juvénile ayant traversé tous les continents ? Certains diront que «Punk is Dead », pourtant, il est clair que personne n’a oublié ce que cette contre culture a représenté et revendiqué. De nombreuses rétrospectives sont consacrées à ce mouvement. En octobre 2016, c’est la British Library de Londres qui ouvrait ses portes à une exposition en l’honneur des 40 ans du punk anglais.
A Camden, le fantôme anarchiste du punk a toujours sa place, bien que le quartier ait évolué et soit devenu très touristique, il a gardé son statut de marché alternatif punk/gothique qui accueille toujours ses adeptes. Alors oui, cette fureur se fait depuis les année 90 beaucoup moins entendre, moins de polémiques, moins d’outrages. Cependant, elle verra naître le mouvement Straight Edge, sous-culture voulant s’éloigner des valeurs négatives et destructrices du punk, dont les adhérents ne consomment ni drogue, ni alcool, et ne sont supposés avoir de rapports sexuels que lors de relations amoureuses stables. Certains iront même jusqu’à adopter un régime vegan. Ces principes sont nés notamment suite aux paroles de «Straight Edge » du groupe Minor Threat «Don’t smoke, don’t drink, don’t fuck, at least I can fucking think » comprenez « Je ne fume pas, je ne bois pas, je ne baise pas, mais au moins je peux penser »
Côté musique, le Punk a laissé en héritage de nombreux groupes qui ont vu le jour dans les années 80-90 comme The Distillers ou The Casualties. Egalement, dans le punk hardcore américain avec Agnostic Front, Rancid ou Poison Idea et puis plus tard, Turnstile ou Have Heart.
Du Punk hardcore découlera à la fin des années 90 le Hardcore Beatdown comprenant des groupes tels que Bulldoze ou aujourd’hui Knocked Loose.. Autant de genres et de formations qui montrent l’importance du Punk, son influence et ce qui a suivi. Le Punk n’est pas mort, il est plus énergique que jamais.
Johanna Arnoult