À la veille du vote fondamental des députés sur l’accord de sortie conclu entre Theresa May et l’Union européenne le 15 janvier, Londres Mag fait le point sur les conséquences du Brexit.
« Settled status » : passage obligatoire pour les expatriés européens résidents
L’accord conclu entre Theresa May et l’UE prévoit que les citoyens européens, vivant depuis au moins six mois sur une période d’un an, au cours de cinq années consécutives au Royaume-Uni, puissent continuer de résider dans le pays. À partir du 21 janvier, une poignée de candidats possédant un passeport en cours de validité pourra faire sa demande. La plate-forme « EU Settlement Scheme » sera officiellement lancée le 30 mars prochain. Environ 3,5 millions de ressortissants européens sont concernés.
Expatriés, moins de chance de trouver un logement ?
Selon la dernière étude de la Residential Landlords Association, 44% des propriétaires anglais sont réticents à l’idée de louer leurs biens à des individus sans passeport britannique – autrement dit, aux expatriés. Ce résultat, récolté auprès de 2 963 personnes, montre que « le comportement (des propriétaires, ndlr) change en raison de la peur » des répercussions du Brexit. En effet, la politique du « Right to rent » (« droit de louer »), introduite en 2016, prévoit que les propriétaires vérifient que les futurs locataires aient le droit de résider au Royaume-Uni… Un droit que les ressortissants européens pourraient perdre, sans accord. Le secteur de l’immobilier demande au gouvernement de clarifier la situation au plus vite.
Un risque d’émeutes en Irlande
Un autre scénario possible pourrait être marqué de violences. Alors que le No Deal s’impose de plus en plus comme une éventualité, la frontière entre les deux Irlandes inquiète en premier lieu. Par crainte de troubles à l’ordre public en cas de rétablissement d’une frontière physique, la police irlandaise a demandé des renforts aux forces de l’ordre anglaises. Tout au long du mois de janvier, 1000 officiers s’entraîneront en cas de nécessité d’un déploiement. Une équipe du Conseil de Police national avait envisagé que la sortie de l’Union européenne sans accord demanderait plus de moyens pour maintenir l’ordre. Une telle situation affecterait tout le Royaume-Uni.
Une possible pénurie de médicaments ?
Chaque mois, le Royaume-Uni importe depuis l’UE 37 millions de boîtes de médicaments. En cas de sortie sans accord, les autorisations européennes de commercialisation pourraient ne plus être valables, le Royaume-Uni devenant un pays tiers. Ainsi, un certain nombre de traitements pourraient cruellement manquer. C’est le cas de l’insuline pour les diabétiques, par exemple, que le pays ne fabrique pas. Autre scénario : les embouteillages causés par le retour des contrôles douaniers pourraient retarder l’arrivée des médicaments en pharmacie. C’est pourquoi des groupes pharmaceutiques comme Sanofi anticipent en augmentant leurs stocks. Inquiets, 14 500 Anglais ont signé une pétition en ligne pour demander au gouvernement de « stopper le Brexit si les traitements vitaux ne sont pas garantis » (« Stop Brexit if supplies of vital medication can’t be guaranteed. »)
Des industriels dans une position précaire
Les usines britanniques sont très inquiètes d’un No Deal, notamment celles de l’industrie alimentaire. The Euris Taskforce, un groupe d’organisations commerciales représentant l’industrie britannique, a même adressé deux lettres à Theresa May, lui demandant d’exclure l’éventualité du No Deal. Howard Porters, qui siège à l’EURIS, a ainsi déclaré qu’un « Brexit sans accord provoquerait d’importants dommages à long terme pour le secteur industriel britannique » (« no-deal Brexit will result in significant long-term damage to the UK manufacturing sector »). Il a souligné la forte augmentation des coûts pour ce secteur que le No Deal pourrait provoquer. Certaines entreprises ne seraient en effet pas en mesure de les supporter. Par ailleurs, un rapport de l’EURIS affirme qu’une sortie brutale risquerait de considérablement diminuer les échanges commerciaux du Royaume-Uni. Enfin, l’ancienne ministre conservatrice du Cabinet Carole Spelman a expliqué que la sortie sans accord pourrait provoquer une « pertes d’emplois » (« job losses »).

Michael Gove, ministre de l’environnement
Un No Deal qui met les agriculteurs britanniques en danger
Le ministre de l’environnement Michael Gove a d’ailleurs déclaré que les producteurs de denrées alimentaires et les agriculteurs seront confrontés à des « troubles considérables » (« considerable turbulence ») en cas de sortie sans accord. Entre autres, une grande partie des intrants des cultivateurs est produite dans l’Union européenne. Il a ajouté à la Oxford Farming Conference, conférence annuelle concernant les fermiers, qu’une telle situation entraînerait des nouveaux tarifs sur les exportations, de nouvelles normes sanitaires et d’autres contrôles aux frontières. Les droits de douane sur la vente de viande bovine pourrait atteindre les 40% si le Royaume-Uni ne respecte pas les règles de l’Organisation mondiale du commerce. Il a ainsi encouragé à voter pour l’accord de Theresa May, qui protégerait l’accès au marché et renforcerait les certitudes économiques. Michael Gove promet une transition harmonieuse pour l’agriculture qui devra quitter la politique agricole commune. Alors que les frais des fermiers pourraient augmenter, le gouvernement s’est engagé à leur verser des subventions égales à celles actuellement en vigueur dans l’Union Européenne. Michael Gove a dû faire face à de nombreuses critiques, lui reprochant notamment des promesses intenables, au moins pour le moment. Le Nation Farmer’s Union, syndicat des fermiers, a demandé une législation spécifique qui assurerait que les produits importés et cultivés localement soient soumis à des normes identiques.
Des kilomètres de bouchons aux frontières
No Deal signifie aussi rétablissement des contrôles douaniers de marchandises. Lundi 7 janvier, le ministère des Transports britannique a mis au point une simulation grandeur nature entre l’aéroport de Manston, dans le sud-est de Londres jusqu’au port de Douvres. 89 camions ont effectué le voyage dans l’objectif de trouver comment éviter les embouteillages. Selon une étude de l’Université britannique l’Imperial College London, deux minutes supplémentaires de contrôle causeraient près de 50 km de bouchons sur l’autoroute M20, qui relie Londres au tunnel sous la Manche.
Emilie Moulin et Thalia Creac’h