Quelques touches de rouge passion, une bonne dose de patrimoine français et un soupçon de cuisine fusion. Voilà les ingrédients de l’Atelier de Joël Robuchon. Ce beau tableau s’admire en plusieurs étapes et surtout sur trois niveaux dans son adresse londonienne. Trois occasions de tirer le portrait de la gastronomie et l’art de recevoir à la française.
Quand il s’agit de s’essayer à la table des Grands Noms de la gastronomie, la peur ou la gêne prennent parfois le pas sur le plaisir. Mais à l’Atelier de Joël Robuchon, le chef sait rendre la haute couture gustative accessible aux papilles. Un peu à l’écart du petit village du Central London qu’est Seven Dials, l’Atelier de Joël Robuchon est le temple du goût par excellence. Dans le quartier de Covent Garden, la façade charbon contraste avec celle de son voisin, leloufoque bar british The Ivy. Pourtantà l’intérieur, la signature “L’atelier de Joël Robuchon” éclaire et donne immédiatement le sourire aux visiteurs. L’adresse francophone dispense, depuis 2006, les mets confectionnés par lechef médiatisé, mais surtout Meilleur Ouvrier de France et recordman des étoiles Michelin. Un challenge de taille quotidien à relever par les équipes du restaurant.
Une tour de contrastes
Le tour du propriétaire se fait de haut en bas avec plusieurs étages pourdifférentes ambiances. À l’ouverturedes portes de l’ascenseur, tout en haut, le salon-bar invite les convives à s’installer dans les fauteuils rouges cramoisis, contre le comptoir doré ou sur la terrasse, écrin de verdure au milieu de la ville. Un étage en dessous, c’est la Cuisine de Robuchon qui accueille les épris d’expériences culinaires avec une immersion au plus près des fourneaux dans un décor en damier gigantesque, diablement psychédélique. L’impression est bien plus familière au rez-de-chaussée, à l’entrée de l’Atelier. Le concept s’est décliné de Tokyo à Montréal sous le même format et avec un design identique. Les hautes chaises pourpres en cuir, autour du comptoir boisé, donnent un côté bistro à cet univers grand luxe de la cuisine. Cette alliance de couleurs sombres contraste avec le mur végétal du fond, souligné par les créations florales. Ce retour saisissant à la nature n’est qu’une première étape vers une rencontre avec le produit et surtout l’équipe de magiciens des saveurs qui s’affairent sous les yeux des clients. La cuisine ouverte ne laisse place à aucune fausse note pour cette brigade menée par le chef exécutif Jérémy Pages.
Une lignée de grands chefs
Le Périgord coule dans ses veines et c’est pourtant en Angleterre que Jérémy Pages est né. Cette histoire fait totalement le trait d’union entre sa cuisine, marquée par le foie gras et la truffe et sa carrière à Londres. Pourtant c’est un parfait trompe-l’oeil qui débute les festivités. Le tartare carmin, si emblématique de la cuisine hexagonale, pourrait faire trembler un bon nombre de végétariens et même de Britanniques. Mais l’arrivée en bouche réveille les papilles avec ce mariage bien étonnant de betterave et sorbet à la moutarde. Preuve il en est que l’Atelier de Joël Robuchon modernise de façon originale tous les classiques selon les époques. La langoustine est le parfait exemple de ce relifting à base de talent, de sauce et d’acidité. Joël Robuchon la cuisine en raviole avec copeaux de truffes, choux vert et sauce au foie gras. Jérémy Pages lui donne des élans exotiques avec son cocon de cheveux d’anges frits et sa vinaigrette mangue-passion. Ce passage de flambeaux, uni par l’amour de la fameuse purée soyeuse aux truffes, conduit à la même réaction chez tous les convives : yeux pétillants et sourires à chaque bouchée. La fin du voyage se fait en douceur pour les gourmands avec l’Exotique, un fondant mangue et passion, sorbet fromage blanc et citron vert, arrosé d’un verre de pacherenc du vic-bilh, Château Bouscasse Brumaire Doux. Une dernière goutte du Sud-Ouest qu’aurait adoré Cyrano, voisin gascon du chef, qui «à la fin de l’envoi (des plats), touche ! »
©SoleneLanza