Le 14 juin 2017, la Grenfell Tower s’embrasait dans l’un des incendies les plus spectaculaires de Londres. Un incident qui a marqué les esprits et qui, aujourd’hui encore, laisse de nombreuses questions en suspens. Alors que l’événement approche de son premier anniversaire, que sait-on vraiment du drame ? Quel avenir pour le site ?
C’est sous un épais nuage de fumée que les Londoniens se sont réveillés, le mercredi 14 juin 2017. A l’aube, une longue traînée noire s’étend déjà au-dessus de la ville, provoquée par l’incendie qui ravage la Grenfell Tower depuis les premières heures de la nuit. C’est peu avant une heure du matin que le feu s’est déclaré, dans l’un des appartements du quatrième étage de la tour qui en compte 24. Rapidement, l’ensemble du bâtiment s’est embrasé. De nombreux habitants ont réussi à s’échapper, mais d’autres sont alors pris au piège. Une dizaine de minutes après le premier appel aux urgences, pas moins de 200 pompiers et 40 camions sont arrivés sur les lieux. Il leur a fallu toute la nuit et encore quelques heures dans la matinée pour parvenir à éteindre le feu. Ce n’est qu’en novembre 2017, presque six mois après le drame, que les autorités ont annoncé le bilan définitif des personnes décédées dans l’incendie, qui s’établit à 72.
Le bardage de la tour pointé du doigt
La colère gronde toujours parmi les survivants de l’incendie. Ce qui irrite le plus les habitants de la tour (et des logements environnants, dont certains ont dû être évacués à cause du danger de chute de débris), c’est le fait que l’incendie aurait pu être évité. En 2013, l’association de résidents Grenfell Action Group avait alerté les propriétaires de l’immeuble sur les risques d’incendie. A cette époque, un pic de surtension électrique avait déjà failli provoquer un incident majeur. Face au manque de réaction, les membres de l’association avaient alors déclaré sur leur site : “C’est une pensée terrifiante, mais le Grenfell Action Group croit fermement que seul un événement catastrophique pourra révéler l’inaptitude et l’incompétence de notre propriétaire, le Kensington and Chelsea Tenant Management Organisation (KCTMO).” Autre élément accablant : l’absence de système d’alarme incendie généralisé au bâtiment.
Mais le sentiment d’injustice et la colère des habitants ne se limitent pas qu’à cela. Il y a quelques années, la Grenfell Tower, construite en 1974, a été rénovée. Les travaux, qui se sont achevés en 2016, ont notamment consisté en l’installation d’un nouveau bardage. C’est ce revêtement extérieur qui est aujourd’hui pointé du doigt par de nombreux experts qui se sont saisis du sujet. A leurs yeux, l’enveloppe du bâtiment a considérablement influencé la rapide propagation du feu du quatrième étage à l’ensemble de la tour haute de 70 mètres. Quelques mois avant l’incendie, le groupe d’experts The Building Research Establishment (BRE), qui travaille entre autres sur les risques d’incendie, a rendu un rapport au gouvernement. Dans ce rapport, le BRE estime que les techniques innovantes en matière d’isolation augmentent le volume de matériel inflammable dans les bâtiments. D’autres spécialistes ont également soulevé que le matériel utilisé pour le bardage était le moins cher et le plus inflammable des matériaux proposés. Dans un rapport postérieur à l’événement, le BRE abonde dans le même sens et affirme que l’incendie aurait pu être évité. Il souligne l’impact du nouveau bardage, composé en partie de polyéthylène, très inflammable. Pour le groupe d’experts, au regard des matériaux utilisés pour construire la tour à l’origine, “il n’y avait [alors] que peu de risques qu’un incendie dans l’un des appartements de la Grenfell Tower se propage aux appartements voisins”. Il insiste d’ailleurs en expliquant que si le bâtiment n’avait pas bénéficié d’une solide structure avant sa rénovation, la tour se serait “partiellement voire totalement effondrée” après l’incendie.
Bientôt un mémorial ?
Une enquête publique a été officiellement ouverte le 21 mai 2018 pour faire la lumière sur l’incendie. Les proches des victimes seront les premiers à être entendus, suivis par les pompiers, les autorités concernées puis les survivants. L’ensemble de la procédure pourrait durer jusqu’en 2020.
De son côté, le gouvernement a émis une note sur la postérité du lieu. Ce document stipule que la voix des survivants et des proches des victimes sera le premier critère pris en compte dans le processus de décision. Il fait part également du projet de construire un mémorial pour les victimes à la place de la tour, qui devrait être définitivement détruite d’ici la fin de l’année 2018. La station de métro Latimer Road voisine pourrait aussi être renommée en hommage au drame, pour que celui-ci ne soit pas oublié. En parallèle, peu de temps après l’incendie, le gouvernement a demandé à ce que des bâtiments similaires à la Grenfell Tower soient examinés sur le plan des procédures de sécurité en cas de feu. Près de 600 tours d’habitation utilisant le même bardage en panneaux composite ont ainsi été passées au crible. Afin d’éviter tout risque, le revêtement extérieur a même été retiré de certains immeubles ailleurs dans le Royaume-Uni… aux frais du contribuable.
Le quartier de West Lancaster, dont dépend la Grenfell Tower, devrait, lui, bientôt changer de visage. Six cabinets d’architectes planchent actuellement sur des projets de rénovation de l’espace. La tour n’entrera toutefois pas en compte dans les plans, en raison de l’enquête toujours en cours et de la décision du gouvernement de suivre la volonté des proches des victimes et des survivants.
©Morgane Carlier ; photo Laurent Colin